Beaucoup de ceux qui entreprennent une recherche spirituelle sur les voies du bouddhisme se sentent perdus devant la multitude d'approches qui leur est proposée pour atteindre l'illumination, autant par les instructeurs que dans les textes. Il y a cette Voie-ci, cette Voie-là... Vous devriez étudier tel soutra, ou méditer tel autre... Il faut faire ainsi, surtout ne faîtes pas cela... Il y a tellement d'exhortations psychologiques, d'exposés philosophiques, de discours scientifiques : une myriade d'occasions de s'occuper l'esprit, d'esquiver la ligne droite, le chemin le plus court de la réalisation de Soi. Même si toutes ces approches, en elles-mêmes belles et bonnes, en appellent plus d'un, il y a peu d'élus comme le dit l'expression, et ceci n'a rien d'étonnant. L'esprit non averti confond la surface et le fond et prend l'apparence pour la substance - c'est ainsi que le serpent se mord la queue, que l'on est pris de vertige et que l'on s'affaisse mortellement sur soi-même.
Si vous êtes de ceux, rares, que ce circuit n'intéresse pas et qui veulent passer aux choses sérieuses, voici qui devrait retenir votre attention :
1 - Vous savez quoi ? Nous sommes tous, déjà, éclairés. Le but de la pratique spirituelle consiste juste à le réaliser.
2 - Toutes les Voies d'illumination ne sont que d'habiles moyens, des ruses pour nous mener à cette seule et même Vérité.
3 - Ces Voies sont même autant d'artifices car elles n'ont pas d'autre but que de nous rendre où nous sommes déjà : s'il n'y a pas de destination, aucune Voie n'y peut mener ; il suffit d'Être.
4 - Si les Voies spirituelles nous préparent à Être, elles ne nous y conduisent pas. Tant que nous sommes sur le chemin, tant que nous empruntons la Voie et aussi longtemps que nous l'empruntons, c'est que nous ne sommes pas encore parvenus où nous voulons être. Or, où voulons-nous être si ce n'est où est l'Être, c'est-à-dire où nous sommes ! Il ne faut pas prendre la Voie, ni le voyage pour la destination.
5 - Se perdre pendant le voyage et demander à quelqu'un de nous guider, c'est comme aller chez soi et en demander le chemin.
6 - Lutter dans sa pratique, c'est être un voleur qui se jouerait au policier pour s'arrêter lui-même - laissez les choses se faire d'elles-mêmes.
Mais tout cela ne répond pas au sujet annoncé de ce texte : la voie rapide du Chan. Alors voici la réponse : tout ce que l'on doit faire, c'est interroger à fond la nature de son « Je », de son identité. Où est ce « Je » ? Qui est ce « Je » ? Qui est-ce qui est en train de lire en ce moment même, par exemple ? Qui est-ce qui pense ? Koans, hua-t'ou, psalmodies, récitation du nom de Bouddha - toutes ces disciplines religieuses - n'ont d'autre objectif que de nous mettre en présence directe de cette identité, de ce « Je ». Il n'y a pas de cheminement, et s'il n'y a pas de cheminement, il n'y pas besoin de temps. Le seul effort que cela demande, c'est de s'y mettre, vraiment. Et c'est bien ça le hic, comme on dit. Impossible de faire semblant. Cela exige de nous une intransigeante honnêteté envers nous même. Et beaucoup courage, puisqu'il s'agit de rien de moins au final que de faire face à la question de la vie et de la mort, d'abandonner nos images et schémas mentaux sur tout. Ce détachement est indispensable.
Ainsi, si vous êtes las de vos batailles et fatigué, stoppez là les pistes sur lesquelles vous vous êtes lancés, posez vous la question : « Qui est fatigué, qui est las et frustré ? » Un coup de tonnerre, et le voile dans lequel vous vous débattiez, s'évanouira.
C'est là cette Voie rapide du Chan !